Illustration de médicaments

(Crédit : Robson# via Flickr)

Les médicaments que nous consommons peuvent tous potentiellement se retrouver dans l’environnement. Les médicaments sont excrétés, plus ou moins transformés, et puis transportés vers les stations d’épuration par les systèmes d’égouts. Comme les traitements d’épuration n’ont pas été conçus pour enlever les médicaments, leur efficacité pour certaines gammes de composés est très limitée (p. ex. un traitement physicochimique comme on a à Montréal enlèvera de 0-30 % des molécules comme les antibiotiques ou les antidépresseurs).

Donc on rejette des médicaments dans l’environnement, mais est-ce qu’il y a un impact significatif sur la faune et la flore? Est-ce qu’il y a un impact sur le fleuve Saint-Laurent?

Les antibiotiques

La réponse dépend évidemment des médicaments qui sont ciblés. Les antibiotiques sont un bel exemple, la station d’épuration de Montréal rejette bon an mal an une tonne d’antibiotiques dans le fleuve. Les concentrations sont toujours relativement faibles, de l’ordre des nanogrammes par litre. Par contre, quand on fait l’exercice de comparer les concentrations dans les eaux rejetées à Montréal et ailleurs, on se rend compte que les concentrations d’antibiotiques sont suffisamment élevées pour causer une certaine toxicité chez les micro-organismes qui y sont exposés.

C’est la bonne façon de développer la résistance aux antibiotiques — en exposant des microorganismes à une dose qui va éliminer la portion la plus sensible de la population d’un microorganisme — laissant ainsi les plus résistants en place pour se reproduire et venir dominer la population microbienne de ce milieu. Donc les antibiotiques qu’on consomme (trop souvent en excès) se retrouvent dans l’environnement et contribuent à la résistance aux antibiotiques des microorganismes présents aux points de rejets. On ne peut pas faire de liens systématiques de causalité avec les problèmes de multi-résistance aux antibiotiques en milieu hospitalier, mais la résistance aux antibiotiques dans le fleuve n’aidera certainement pas à résoudre le problème.

Les perturbateurs endocriniens

Une autre gamme de molécules qui se retrouvent dans l’environnement est les perturbateurs endocriniens. Dans ce groupe de malfaiteurs, il y a une multitude de composés, p.ex.: des pesticides, des plastifiants, et des métaux. Mais un acteur particulièrement efficace est la série d’hormones qui sont ingérées comme médicaments ou sécrétées naturellement par les humains (on pense souvent aux contraceptifs oraux, mais il y a aussi les thérapies hormonales de remplacement pour les femmes ménopausées, mais il ne faut pas négliger l’excrétion naturelle des hormones par les hommes et les femmes — une des « meilleures » sources est la femme enceinte — on ne va pas décourager ça!). La comparaison des niveaux d’hormones féminisantes observées dans les effluents de stations d’épuration avec ce qui est reconnu comme ayant des effets sur les poissons, démontre qu’à Montréal, par exemple, la concentration de stéroïdes féminisants est de 100 à 150 fois supérieure dans les effluents aux niveaux requis pour causer une féminisation complète chez les poissons exposés en aquarium ou en lacs expérimentaux.

Les antidépresseurs

Ensuite, on a aussi vu que les antidépresseurs passent à travers un système de traitement physicochimique d’eau usée avec des taux d’enlèvement très modeste. On a donc décidé d’évaluer s’ils avaient un effet sur les poissons et bien sûr, on a observé que les truites accumulent les antidépresseurs dans leurs tissus, beaucoup dans le foie, un peu dans le muscle, mais de façon moyenne dans les tissus de leur cerveau. On a aussi utilisé un test de la mesure de la vitesse de réponse synaptique dans les tissus du cerveau de truites exposées à des effluents municipaux et l’on voit une diminution significative de la vitesse de réponse des tissus cérébraux des truites exposées.

En conclusion

Il y a évidemment d’autres gammes de médicaments qui pourraient et vont s’avérer avoir des effets délétères sur l’environnement (les analgésiques et anti-inflammatoires consommés en grandes quantités, les médicaments pour traiter les problèmes de tension artérielle ou d’obésité, les produits de chimiothérapie, etc.). Il faut définitivement faire un meilleur effort pour traiter ces eaux usées pour enlever ces contaminants et prévenir les surverses et débordements directs vers les cours d’eau.
Sébastien Sauvé est professeur titulaire en chimie environnementale à l’Université de Montréal.

À consulter:

• Lajeunesse A, Gagnon C, Gagné F, Louis S, Čejka P, Sauvé S: Distribution of antidepressants and their metabolites in brook trout exposed to municipal wastewaters before and after ozone treatment — Evidence of biological effects. Chemosphere 2011, 83:564-571.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0043135412005362
• Segura PA, Gagnon C, Sauvé S: Review of the occurrence of anti-infectives in contaminated wastewaters, natural and drinking waters. Environ Health Perspect 2009, 117:675-684.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2685827/
• La vie en vert — Des médicaments dans l’eau:
https://video.telequebec.tv/video/4833/des-medicaments-dans-l-eau