La culture de champignons

(Crédit : Matthias Ripp via Flickr)

Ce n’est pas à tous les jours que j’ai la chance de parler d’un sujet que je connais bien, mais qui ne fait pas nécessairement les manchettes en matière d’environnement, et ce, malgré toute son importance. En effet, pour la plupart des gens, la mention du mot « champignons » rime avec utilisation culinaire ou, à l’opposé, avec une maladie indésirable quelconque.

Pourtant, il existe tout un univers fascinant de champignons dits « mycorhiziens » qui retiennent peu l’attention médiatique…enfouis sous terre. Trouvant littéralement «racine» des mots grecs mycos et rhizos, mychorize signifie une association entre les champignons et les racines — relation qui est symbiotique et souvent bénéfique pour les deux parties.

Contrairement aux basidiomycètes que l’on retrouve hors-terre (ceux utilisés par les Schtroumpfs), plusieurs de ces champignons mycorhiziens ne produisent pas de fructifications visibles. Pourtant, comme j’en faisais état il y a quelques années dans ce billet, ces champignons ne sont pas moins importants et jouent un rôle fondamental dans le bon fonctionnent de nos écosystèmes. Alors que des études récentes indiquent que la planète a perdu le tiers de ses terres arables au cours des 40 dernières années dû à l’érosion et à la pollution, ces champignons mychoriziens pourraient offrir un potentiel agronomique et écologique considérable.

Or voilà que les travaux de doctorat d’une chercheure de l’Université Laval, Dr Salma Taktek, viennent montrer que la symbiose mychorizienne s’accompagne également d’une autre association — avec des bactéries ; ce dont faisait d’ailleurs état Jean-François Cliche (Le Soleil), dans un de ses billets de fin d’année 2015.

La prochaine révolution verte ?

Bien que cette triple association plante-champignon-bactérie était déjà reconnue dans la littérature scientifique, la nouveauté rapportée par les travaux du Dr Taktek réside dans le fait que cette symbiose tripartite permettrait de solubiliser du phosphate dit « rocheux », tel que l' »apatite »:https://www.mern.gouv.qc.ca/mines/industrie/mineraux/mineraux-proprietes-apatite.jsp, pour ensuite le rendre disponible à la plante hôte. Ainsi :

1) La bactérie solubilise, à l’aide d’acides organiques qu’elle produit, le phosphate rocheux (non accessible par la plante ou le champignon);
2) Le phosphate, désormais soluble, devient alors accessible au champignon mycorhizien;
3) Le champignon mycorhizien achemine ce phosphore à la plante pour sa croissance.

Ce faisant, Dr Taktek a démontré par ses recherches que des plants de maïs traités avec la bonne combinaison de champignons mycorhiziens et de souches bactériennes placés en présence de phosphate rocheux poussaient tout aussi bien que des plants de maïs traités uniquement avec des engrais traditionnels (sans champignon, ni bactérie).

Il s’agit là d’une véritable percée scientifique puisque cela laisse présager un avenir où il serait possible de réduire les apports en engrais chimiques traditionnels (c.-à-d. ayant subis des transformations chimiques afin de rendre le phosphate disponible instantanément) pour ainsi laisser place à une agriculture moins dommageable pour les écosystèmes et sans doute plus économiquement rentable pour les agriculteurs.

Jamais agriculture, champignons et bactéries n’auront fait un aussi bon ménage… à trois!

(N.B. Pour lire la thèse du Dr Taktek dont je fais état des travaux, cliquez ici)