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(crédit : Miguel Garces via Flickr)

Voici revenue la saison des REER. D’ici au premier mars, les institutions financières vont rivaliser de campagnes publicitaires pour vous convaincre de placer votre épargne chez elles. Il y a du nouveau cette année : pour la première fois, des institutions financières vous offrent la possibilité de désinvestir votre épargne des combustibles fossiles, pour les réinvestir dans les énergies renouvelables et des placements qui ont un impact réel dans l’économie du Québec. Vous croyez comme moi que l’argent de votre retraite ne doit pas servir à détruire notre climat ou à financer Énergie Est ? Lisez la suite.

Qu’est-ce que le mouvement de désinvestissement ?

Le mouvement Divest/Invest qui vise à désinvestir les combustibles fossiles pour réinvestir dans les énergies propres a pris un grand essor ces dernières années. D’après l’organisme 350.org, 5500 milliards $ ont été désinvestis à ce jour par 694 institutions et 58 000 individus dans le monde. Ceci inclut le Rockefeller Brothers’ Fund, la Fondation Leonardo DiCaprio, la Fondation David Suzuki, de grandes universités comme Standford, Oxford ou Yale, des organismes caritatifs ou des communautés religieuses. Même le fonds souverain de la Norvège, le plus grand au monde, a désinvesti du charbon et des sables bitumeux. Au Québec, une campagne est en cours pour demander à la Caisse de dépôt et placement du Québec de sortir des combustibles fossiles. À ce jour, plus de 5300 personnes ont écrit à Michael Sabia dans le cadre de cette campagne qui a reçu l’appui du Parti Québécois et de Québec solidaire.

Pourquoi désinvestir ?

Il existe deux raisons principales de désinvestir. La première est d’ordre éthique : de la même manière que certains refusent de voir leurs épargnes investies dans le tabac, l’armement, le jeu ou la pornographie, un nombre de plus en plus grands de personnes refusent qu’elles servent à financer le développement des énergies fossiles. En un mot : l’argent de nos retraites ne doit pas servir à détruire le monde que nous léguerons à nos enfants et à nos petits-enfants.

La seconde est d’ordre financier : les rendements des énergies propres ont été largement supérieurs à ceux des énergies fossiles au cours de la présente décennie. Les actifs du secteur du charbon se sont littéralement effondrés. La compagnie de charbon Peabody Coal, la plus grande au monde, a vu sa capitalisation boursière fondre de 95% depuis 2010. La cause : un plafonnement de la demande en charbon et la concurrence accrue des énergies renouvelables. Selon Bloomberg, le même phénomène pourrait se produire aussitôt qu’en 2022 pour le pétrole. Même le gouverneur de la banque d’Angleterre, Mark Carney, a mis en garde les investisseurs contre le risque d’éclatement d’une bulle carbone dans les marchés boursiers.

Pendant ce temps, les énergies propres ont le vent dans les voiles. Depuis 2014, les investissements dans ce secteur ont surpassé ceux dans les énergies fossiles, et depuis 2015, il s’installe annuellement plus de nouvelles capacités en énergies renouvelables qu’en énergies fossiles. Et le coût des énergies renouvelables continue de baisser. N’en déplaise à Donald Trump, sortir du charbon, du pétrole et du gaz est non seulement une bonne décision éthique, c’est aussi une bonne décision financière. Déjà, ceux qui comme la Fondation David Suzuki ont désinvesti en 2010 ont obtenu un meilleur rendement que les indices boursiers.

Comment désinvestir ?

Jusqu’à maintenant, tenter de désinvestir ses REER était un véritable parcours du combattant. Presque tous les fonds mutuels sur le marché — même les fonds dits « éthiques » — comprennent des actifs fossiles. Les institutions financières n’offrent des solutions de désinvestissement que sur mesure, pour les portefeuilles supérieurs à 250 000 $. Typiquement, votre conseiller financier tente de vous décourager de désinvestir en vous faisant miroiter de meilleurs rendements dans des fonds d’investissements réguliers, ou accepte avec réticence, au prix d’une longue conversation, de vous diriger vers des fonds éthiques qui comprennent du pétrole, du charbon et du gaz. Un peu comme les concessionnaires automobiles qui tentent de vous décourager d’acheter un véhicule électrique et de vous convaincre de faire comme tout le monde en achetant un VUS.

Mais voilà que tout peut changer.

Au moins trois institutions financières offrent depuis 2016 des solutions de désinvestissement accessibles à tous.

  • La Caisse d’économie solidaire a lancé la campagne Mon REER sans pétrolière qui permet à tous d’investir dans des entreprises collectives et sociales au Québec grâce à son Placement à rendement social, de même que dans deux fonds sans pétrole offerts chez Desjardins, le Fonds Desjardins SociéTerre Technologies propres et le Placement garanti PrioriTerre.
  • Le Fond de travailleurs Fondaction CSN, un des pionniers en investissement durable, offre également aux particuliers des solutions de placements qui excluent les activités et les entreprises actives dans le secteur de l’extraction pétrolière. Fondaction soutient activement de nombreuses entreprises québécoises dans l’économie verte.
  • La société de Vancouver Genus investment est la première à avoir lancé une gamme complète de six portefeuilles d’investissement sans combustibles fossiles, les mêmes qui ont été développés pour réaliser le désinvestissement de la Fondation David Suzuki. L’investissement minimal doit par contre être de 50 000 $.

Il n’est plus nécessaire d’attendre. Nous pouvons dès maintenant sortir nos épargnes des combustibles fossiles et les investir dans des placements éthiques, sans pétrole, et qui contribuent à l’économie de demain. Ce geste permet de respecter nos valeurs, d’avoir d’excellents rendements, de diminuer notre risque carbone et d’envoyer un message clair à toutes les institutions financières : investir, c’est voter, et notre vote va du côté des énergies propres!