Vélo sur le bord d'une rivière

(crédit : Laurent Lebois via Flickr)

Alan C. Logan est diplômé du Collège Canadien de Médecine Naturopathique et membre invité du corps professoral de la formation médicale continue de la Faculté de médecine de l’université Harvard. Son dernier livre, écrit en collaboration avec la médecin Eva Selhub de la Faculté de médecine de Harvard, explore les connexions entre la nature, la santé humaine et le bonheur. « Your Brain, On Nature: The science of nature’s influence on your health, happiness and vitality » sera publié chez John Wiley Inc., au printemps 2012.

 

Vert Santé : Qu’est-ce qui arrive lorsque notre cerveau est « branché sur la nature»?

Dr Logan : On entend couramment les gens dire que passer du temps dans la nature leur fait du bien. Une série d’études scientifiques récentes sont venues confirmer ces impressions. Des techniques sophistiquées d’imagerie cérébrale ont montré que lorsque des adultes en pleine santé visionnent des scènes de nature avec une végétation luxuriante, les régions du cerveau associées à la stabilité émotionnelle, à l’empathie et à l’amour sont plus actives. Les mêmes circuits sont activés quand une personne regarde des photos d’un être cher. À l’inverse, regarder des scènes représentant des bâtiments urbains augmente de manière significative l’activité de l’amygdale, une région du cerveau associée à la peur et au stress. Ces résultats viennent appuyer des études précédentes ayant démontré que des scènes de nature pouvaient augmenter l’activité des ondes cérébrales de façon à engendrer des bienfaits similaires à ceux que procure la méditation.

Vert Santé : Comment la vie au quotidien empêche-t-elle notre cerveau de retirer ces bienfaits?

Dr Logan : Nous nous sommes éloignés de la nature à mesure que nous nous rapprochions de nos écrans. Même quand les gens sont physiquement dans un espace vert, ils sont souvent « absents », dans le sens où leur cerveau est ailleurs : l’envoi ou la réception de messages textes et le fait d’avoir les yeux fixés sur un téléphone intelligent captivent toute l’attention du cerveau, ce qui l’entraine « ailleurs ». Nous sommes en quelque sorte noyés dans un océan de médias de divertissement et d’« infotoxicité ». Nous extirper du vortex d’information est difficile, car « l’information », même de qualité douteuse, possède un très grand pouvoir d’attraction. En réalité, la technologie accomplit des choses merveilleuses, elle n’est pas « mauvaise » en soi. Cependant, une surutilisation de gadgets technologiques représente un facteur-clé dans le processus de dilution des bienfaits que la nature peut procurer.

Vert Santé : Qu’est-ce que la science peut nous dire à propos de la connexion entre la nature et un cerveau en santé?

Dr Logan : Laissez-moi mettre en lumière un certain nombre de résultats obtenus dernièrement. Des études récentes mettant à profit des données sur l’utilisation du territoire et la technologie satellitaire ont rapporté que l’accès à des espaces verts, dans un rayon d’un kilomètre autour de la résidence, était associé à une meilleure santé mentale. En effet, des études populationnelles à grande échelle ont montré que ceux qui avaient accès à moins d’espaces verts à l’intérieur d’un rayon d’un kilomètre autour de leur résidence étaient 25 plus susceptibles d’être victimes de dépression, et 30 plus à risque de souffrir de désordres anxieux. Plusieurs études effectuées au Japon ont démontré que passer du temps en forêt pouvait diminuer le stress, améliorer l’état d’esprit et diminuer les niveaux d’hormone de stress (cortisol). Des études indépendantes ont montré que des effets similaires sur la fonction cognitive pouvaient être observés lors de courts séjours dans la nature. Il a été démontré que passer seulement 20 minutes dans une nature luxuriante augmentait la vitalité. Comme la vitalité est définie dans le lexique de la psychologie comme la force émotionnelle face aux conflits internes et externes, et qu’elle correspond à aborder la vie avec enthousiasme et entrain, les implications pour la santé personnelle et la santé de la planète sont énormes.

Vert Santé : Quelle a été la plus gosse surprise lors de vos recherches pour ce livre?

Dr Logan : J’ai été frappé par le volume considérable de recherches publiées sur ce sujet. Alors que les études s’effectuaient au compte-goutte vers la fin des années 1970, les recherches se sont multipliées de façon exponentielle au cours des dernières années. C’est fascinant de voir à quel point les résultats expérimentaux montrant que la nature est une variable capable d’influencer le comportement et la cognition sont convaincants. Par exemple, une étude effectuée à l’échelle du pays au Royaume-Uni, publiée dans la prestigieuse revue The Lancet, a généré des données tout à fait étonnantes selon lesquelles les espaces verts permettraient le nivellement des inégalités dans le domaine de la santé. L’étude note une disparité significative dans le domaine de la santé selon le placement sur l’échelle socio-économique. Cette disparité augmente lorsqu’un faible revenu est associé à un accès restreint aux espaces verts. En revanche, l’écart se réduit lorsque les personnes à faible revenu ont accès à des espaces verts à proximité de leur résidence. Les espaces verts aideraient donc à combler le fossé entre la santé des plus riches et celle des plus démunis.

Vert Santé : Que recommandez-vous pour que les gens se branchent à nouveau sur la nature?

Dr Logan : Nous devons faire pression sur les politiciens et les responsables de l’aménagement du territoire afin que la priorité soit mise de façon constante sur l’accès aux espaces verts, à mesure que nos villes continuent à s’étaler. J’ai bon espoir que les données récentes démontrant les bienfaits de la nature sur la santé mentale vont se révéler utiles dans le processus.
Comme individus, nous pouvons adopter des comportements qui favorisent une connexion avec la nature, en commençant par faire des efforts pour fréquenter les espaces verts. Être attentif au moment présent permet de faire la différence entre simplement s’exposer aux espaces verts et en retirer les bienfaits complets au niveau de la santé mentale.
Il y a plusieurs façons de se connecter avec la nature de façon pleinement consciente — 20 minutes de répit dans un parc urbain à l’écart du bureau ou de l’école, de jardinage communautaire ou personnel, de bénévolat en environnement, d’interaction avec des animaux, et à l’autre bout du spectre, d’aventure ou d’excursion en plein air, dans ce qu’on appelle la « nature sauvage ». Évidemment, ceci implique de prendre une pause de la technologie, et d’éteindre nos écrans et téléphones intelligents.

Vert Santé : Pensez-vous que votre recherche peut nous aider à faire face aux défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés?

Dr Logan : Il y a de bonnes raisons de croire qu’un contact renouvelé avec la nature est susceptible de nourrir une plus grande préoccupation pour l’environnement. Plusieurs études ont démontré qu’un réel contact avec la nature, particulièrement pendant l’enfance, est un des meilleurs indices d’attitude pro-environnementale. La bonne nouvelle, c’est que peu importe l’âge, il est possible d’établir un lien privilégié avec la nature, et cette connexion améliorée se manifeste par un intérêt plus marqué envers les causes environnementales. Le chainon manquant réside dans la prise de conscience des vertus revitalisantes de la nature, mais, heureusement il est possible remédier à la situation. Une compréhension plus approfondie du potentiel de la nature à exercer une influence positive sur la santé mentale pourrait devenir le catalyseur de changements importants.